OCTET Atelier – 22 janvier 2024 – Les débats de la VAE

L’apparition puis le développement dans l’espace de certification français de la VAE a toujours été source de débats et de controverse : une sorte de « provocation » à sortir des sentiers battus des formes de diplomation.

La réforme du 22 décembre 2023 de la VAE : enjeux critiques


Nous relèverons en premier lieu que le contexte social apparaît aujourd’hui relativement défavorable à une conception effectivement développementale des personnes pourtant largement promue dan l’idée de reconnaître et valoriser les acquis expérientiels.
  • Paradoxalement, la formation continue des adultes apparait historiquement absente du débat public, alors même que tout le monde (i.e. les discours sociaux) s’accorde sur le caractère « essentiel » de la formation pour le développement économique et social ;
  • Depuis la loi de 2014, les modes de certification s’opèrent selon les normes des branches professionnelles, ce qui tend à réinstaller dans les imaginaires sociaux comme principale figure de la formation, la vieille ambition adéquationiste de former pour l’emploi, en fonction des besoins et des « tensions » des entreprises. À cet égard, il convient en effet de relever le fait que cette dernière réforme de la VAE constitue l’article 4 d’une « loi urgence travail » : donc non plus « se former et s’orienter tout au long de la vie », ou « choisir son avenir… »)…
  • Dans les pratiques de formation et de valorisation des personnes, nous notons une certaine tendance à « écraser » la question des savoirs sous la compétence. Pour nous, accompagner et promouvoir le développement des personnes par la formation, c’est se demander quelle est la pensée – individuelle et collective - qui agit dans l’activité (nécessairement collective) et comment elle peut s’enrichir au-delà des exigences immédiates du geste professionnel.

Par ailleurs, l’examen attentif des dispositions qui transforment actuellement la VAE nous semble témoigner d’un éloignement de ses potentialités de développement
L’orientation de la réforme peut en effet se ramener au terme récurrent de simplification :
  • Simplification de la matière à valider : les tâches plutôt que l’activité réelle. Qu’avez-vous fait qui puisse s’inscrire dans un référentiel de certification ?
  • Simplification de la démarche elle-même : 1. correspondance de votre activité avec les référentiels ; 2. identification des écarts ; 3. traitement possible de ces écarts. Êtes-vous conforme ? Et quelle formation vous manque pour accéder à la certification ?
  • Simplification de la valeur même des personnes : les attendus de la certification plutôt que les savoirs construits, appropriés et réfléchis dans une expérience

La réforme met ainsi en question les espaces de socialisation nécessaires au développement : des espaces d’interactions, d’expérience partagée, de vécu d’un devenir-ensemble.
En ce sens, une « mécanisation » de la démarche (plate-forme, numérisation, algorithme traduisant les activités) semble à l’œuvre plus encore qu’une simplification. L’accompagnement des parcours y montre son visage avant tout gestionnaire : qui doit/peut aller où ? L’injonction n’est ici pas celle à se former mais d’abord à s’orienter et pour cela accepter de se certifier.
Ces mouvements sont aussi à mettre en relation avec l’incontestable marchandisation et monétisation du droit à la validation, et par conséquent la nécessité devenue impérieuse de contrôle de la détermination et de la circulation de la valeur : la question se pose dès lors de savoir comment et avec quelles ressources, la personne peut aujourd’hui se réapproprier les processus mêmes de sa valorisation ;
Dans cet établissement de la valeur, le poids des référentiels est déterminant, mais l’est également celui des personnes susceptibles de sanctionner la qualité des candidatures ; comment aller au-delà d’un accompagnement de mise en conformité vers un accompagnement formatif qui suppose une personne, un professionnel, ou une situation aménagée en ce sens, pour aider à donner du sens à l’expérience.

L’insistance portée dans la réforme sur la possibilité de valider des activités non professionnelles relèvent ainsi sans doute d’un effet de discours sensé mettre en exergue une « nouveauté » du dispositif (alors que ces activités sont intégrées dans la validation depuis 2002) et peut-être aussi incarner l’opportunité d’y voir des reconversions vers les « emplois en tension » : aide à la personne, travail éducatif et social, activités dans le tiers secteur lié à la transition…

Cette activité critique portée sur la réforme de 2022 constitue ainsi pour OCTET l’occasion de rappeler ce dont on parle quand on parle des savoirs
  • Des savoirs de référence qui permettent de se situer, de se repérer dans le champ des activités sociales
  • Des savoirs issus des activités de la personne, de son expérience, par intégration au sein de collectif ou de relation de collaboration, accompagnement
  • Des savoirs en expansion, l’élargissement des potentialités, au fondement de la promotion sociale et l’éducation permanente dont l’idée même disparait dans ce nouveau dispositif.

Ces trois dimensions doivent être prises en compte pour analyser le caractère formatif d’un dispositif.